Le projet de loi du Sénat brésilien visant à lutter contre les "fake news" arrive à la Chambre des représentants

Entre autres mesures, la proposition restreint le fonctionnement des comptes gérés par des robots et prévoit la création du Conseil pour la transparence et la responsabilité sur Internet.

Source de l’article : Agência Câmara de Notícias
Source du Projet de loi.

Le projet de loi 2630/20 établit la loi brésilienne sur la liberté, la responsabilité et la transparence sur Internet. Le texte crée des mesures pour lutter contre la diffusion de faux contenus sur les réseaux sociaux, tels que Facebook et Twitter, et les services de messagerie privée, tels que WhatsApp et Telegram, à l’exclusion des services destinés aux entreprises et du courrier électronique.
Les mesures s’appliqueront aux plateformes comptant plus de 2 millions d’utilisateurs, y compris les plateformes étrangères, à condition qu’elles offrent des services au public brésilien.
Présenté par le sénateur Alessandro Vieira (Citoyenneté-SE) et déjà approuvé par le Sénat, le texte arrive à la Chambre des représentants dans la controverse. Alors que certains députés et secteurs de la société estiment que des mesures sont nécessaires pour lutter contre le financement des « fake news », en particulier dans un contexte électoral, d’autres estiment que les mesures pourraient conduire à la censure. Un autre point controversé est la possibilité d’ajouter des sanctions pénales au texte.
Au Parlement, plus de 50 projets sur les fake news sont déjà en cours.

Faux comptes et robots

Selon le texte, les fournisseurs de réseaux sociaux et de services de messagerie devraient interdire les faux comptes - créés ou utilisés « dans le but d’assumer ou de simuler l’identité d’autres personnes pour tromper le public » - sauf en cas de contenu humoristique ou de parodie. Les comptes avec un nom social ou un pseudonyme seront autorisés.
Les plateformes interdiront également les comptes automatisés (gérés par des robots) qui ne sont pas identifiés comme tels par les utilisateurs. Les services devront mettre en place des mesures permettant d’identifier les comptes présentant des mouvements incompatibles avec la capacité humaine et devront adopter des politiques d’utilisation limitant le nombre de comptes contrôlés par un même utilisateur.
Selon le texte, en cas de signalement de non-respect de la loi, d’utilisation de robots ou de faux comptes, les entreprises peuvent demander aux responsables des comptes de confirmer leur identification, y compris au moyen d’un document d’identité.

Envoi de messages

Le projet de loi prévoit que les plateformes limiteront le nombre de messages envoyés aux utilisateurs et aux groupes ainsi que le nombre de membres par groupe. En outre, elles doivent vérifier si l’utilisateur a autorisé son inclusion dans le groupe ou dans la liste de diffusion et désactiver l’autorisation automatique pour cette inclusion.
Selon la proposition, les entreprises doivent conserver, pendant une période de trois mois, les enregistrements des messages envoyés en masse. L’envoi en masse comprend l’envoi du même message à des groupes de discussion et à des listes de transmission par plus de cinq utilisateurs au cours d’une période de 15 jours, après avoir été reçu par plus de mille utilisateurs.
L’accès aux enregistrements ne peut se faire que sur décision judiciaire, à des fins de responsabilité pénale pour la transmission en masse de contenus illicites.
Les applications de messagerie qui offrent des services liés exclusivement aux numéros de téléphone mobile doivent suspendre les comptes des utilisateurs dont les contrats ont été résiliés par les opérateurs téléphoniques ou par le consommateur.
Le projet de loi modifie la loi 10.703/03, relative à l’enregistrement des téléphones prépayés, afin d’établir que la réglementation des registres doit inclure des procédures de vérification de la véracité des numéros CPF et CNPJ utilisés pour activer les puces prépayées.

Suppression de contenu

Selon la proposition, les utilisateurs devront être informés en cas de dénonciation ou d’application d’une mesure en vertu de la loi. Toutefois, ils ne devront pas être informés en cas de dommage immédiat difficilement réparable, pour la sécurité des informations ou de l’utilisateur, en cas de violation des droits des enfants et des adolescents, en cas de délits prévus par la loi sur le racisme ou en cas de compromission grave de la facilité d’utilisation, de l’intégralité ou de la stabilité de l’application.
L’utilisateur peut faire appel de la décision de supprimer le contenu et les comptes. En outre, la partie offensée se verra garantir un droit de réponse dans la même mesure et avec la même portée que le contenu jugé inapproprié.

Publicité

Selon le projet, tous les contenus payants sur les réseaux sociaux devront être identifiés, y compris le compte responsable, afin que l’utilisateur puisse entrer en contact avec l’annonceur.
Dans le cas de la publicité électorale ou de contenus mentionnant des candidats, des partis ou des coalitions, l’ensemble des publicités réalisées devra être mis à la disposition du public, y compris le montant total dépensé, à des fins de vérification par la justice électorale.

Agents politiques

La proposition considère d’intérêt public les comptes de réseaux sociaux du président de la République, des gouverneurs, des maires, des ministres d’État, des parlementaires, entre autres agents politiques.
Ces comptes ne pourront pas restreindre l’accès d’autres comptes à leurs publications. Toutefois, si l’agent politique possède plus d’un compte sur une plateforme, il pourra indiquer celui qui représente officiellement le mandat ou la position, et les autres comptes seront libres de la règle.
Les entités et organismes de l’administration publique doivent publier sur leurs portails de transparence les données relatives à la location de services de publicité ou de stimulation de contenu sur Internet.

Conseil de la transparence

Le projet de loi prévoit que le Congrès national crée, dans les 60 jours suivant la publication de la loi, si elle est approuvée, le Conseil pour la transparence et la responsabilité sur Internet, qui aura pour mission de réaliser des études, d’émettre des avis et des recommandations sur la liberté, la responsabilité et la transparence sur Internet.
Le conseil sera composé de 21 membres, dont des représentants des autorités publiques, de la société civile, du monde universitaire et du secteur privé. Ils auront un mandat de deux ans, renouvelable une fois, et devront faire approuver leur nom par le Congrès.

Représentants au Brésil

Toujours selon le texte, les fournisseurs de réseaux sociaux et les services de messagerie privée devront avoir leur siège et nommer des représentants légaux au Brésil. Ils devront également maintenir l’accès à leurs bases de données à distance depuis le Brésil, avec des informations concernant les utilisateurs brésiliens et pour la conservation des contenus, notamment pour répondre aux injonctions de la justice brésilienne.
Les entreprises devront produire et divulguer des rapports trimestriels de transparence sur les mesures prises pour se conformer à la loi.
Les fournisseurs de réseaux sociaux et de services de messagerie privée peuvent créer une institution d’autorégulation axée sur la responsabilité dans l’utilisation de l’internet.

Sanctions

Les entreprises qui ne se conforment pas aux mesures feront l’objet d’un avertissement et d’une amende pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires réalisé par le groupe économique au Brésil au cours de son dernier exercice financier.
Les montants seront alloués au Fonds pour le maintien et le développement de l’éducation de base et l’appréciation des professionnels de l’éducation (Funded) et seront utilisés dans des actions d’éducation et d’alphabétisation numérique.

Source de l’article : Agência Câmara de Notícias
Source du Projet de loi.

Un projet de loi qui fait des vagues comme on dit en particulier sur les plates-formes de réseaux sociaux, en atteste cette réaction de Google sans doute un peu rapide qui a été retirée rapidement après sous la menace d’amende du gouvernement brésilien :

A signaler également que ce n’est pas la première fois que les autorités brésiliennes se frottent énergiquement aux plat-formes de réseaux sociaux, ce fût le cas par le passé avec Whatsapp et très récemment avec Telegram :

Signalons qu’un projet de loi est à l’étude en France relativement similaire à celui du Brésil quoique le français porte plutôt sur la régulation du porno des arnaques mais aussi a son volet de lutte contre la désinformation:

2023-05-09T22:00:00Z

Le ministre Alexandre de Moraes, de la Cour suprême (STF), a menacé de suspendre Telegram dans tout le Brésil pendant 72 heures si l’application ne supprime pas les messages dirigés contre le PL des Fake News.
L’entreprise devra retirer les messages dans un délai d’une heure, puis publier une rétractation, indiquant que ce qui a été publié précédemment « caractérisait une désinformation flagrante et illicite ». L’amende en cas de non-respect, en plus de la suspension nationale, est de 500 000 R$ par heure.
En outre, M. Moraes a décidé que les représentants légaux de Telegram au Brésil devaient témoigner devant la police fédérale (PF), lorsqu’ils devront clarifier les raisons et les responsables des messages.
Depuis le début de la semaine, Telegram a diffusé des messages affirmant que « le Brésil est sur le point d’approuver une loi qui mettra fin à la liberté d’expression » en donnant au gouvernement « des pouvoirs de censure ».
Selon M. Moraes, le texte peut configurer « l’abus de pouvoir économique, ainsi que, éventuellement, caractériser la contribution illicite à la désinformation pratiquée par les milices numériques dans les réseaux sociaux ».