Dans son livre sur l'Amazonie, un géographe français démonte les mythes et évoque des pistes viables - RFI

RFI, avec notre invité d’aujourd’hui, Hervé Théry, chercheur au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) en France et professeur au département de géographie de l’Université de São Paulo (USP). Il a récemment publié un ouvrage ici en France. Observateur averti des dynamiques politiques et environnementales mondiales, son livre offre une vision approfondie et réfléchie de l’Amazonie, explorant ses aspects géographiques, écologiques et culturels.

Je viens d’acheter son livre et dès que je l’aurais lu j’en ferais une note de lecture

L’Amazonie, la plus grande forêt tropicale au monde, s’étend sur neuf pays, couvrant une superficie 12 fois supérieure à celle de la France, avec près de 390 milliards d’arbres. Une traduction approximative du titre de son livre serait : Amazonie, un monde en partage. Mais qui partage vraiment ce monde ?

Sans titre-1

Dans l’entretien, le professeur explique comment l’Amazonie a d’abord été partagée à l’époque du traité de Tordesillas entre Espagnols et Portugais, puis avec les populations autochtones, avant d’être divisée entre les États-nations après leur indépendance. Il souligne aussi l’importance de l’Amazonie comme héritage commun de l’humanité et appelle à une gestion durable de ce patrimoine unique.

Le professeur étudie l’Amazonie depuis 50 ans, depuis sa première visite en 1974, et partage des observations personnelles marquantes, comme le niveau exceptionnellement bas des eaux du Rio Negro. L’histoire de l’Amazonie, dit-il, est souvent mal comprise. Ce n’est pas une simple forêt vierge, mais une région habitée depuis des millénaires, marquée par des interactions humaines, la période de la production de caoutchouc, et plus récemment par des projets d’infrastructures, comme les routes transamazoniennes.

Il évoque également les amazoniens, un terme générique désignant ceux qui habitent cette région, qu’ils soient autochtones, migrants ou citadins (80 % des habitants de l’Amazonie vivent aujourd’hui en ville).

Concernant les changements climatiques, il alerte sur les impacts évidents : des pluies réduites, des rivières à des niveaux historiquement bas, et les fumées des incendies qui affectent non seulement la région, mais aussi des villes éloignées comme São Paulo.

Pour préserver l’Amazonie, il plaide pour un équilibre entre conservation et développement. Avec ses vastes étendues, il serait possible de protéger une moitié de la forêt tout en permettant des activités économiques dans l’autre moitié, à condition que celles-ci soient durables et respectueuses des habitants locaux.

Enfin, il aborde la question des populations autochtones, soulignant une bonne nouvelle : leur nombre déclaré a doublé au dernier recensement au Brésil. Cela témoigne d’une plus grande reconnaissance de leur identité, y compris en dehors des terres réservées.

Le livre se penche également sur les mythes et idées fausses autour de l’Amazonie. Contrairement à l’image populaire, l’Amazonie n’est pas le “poumon du monde”, et elle n’est pas non plus une forêt intacte et déserte. Avec plus de 30 millions d’habitants dans les neuf pays amazoniens, c’est une région urbanisée, complexe, et profondément intégrée au continent sud-américain.

En conclusion, l’auteur appelle à une réflexion collective sur l’avenir de l’Amazonie, en tenant compte de sa biodiversité unique et des défis globaux qu’elle représente, tout en respectant les besoins des populations locales.